Pour nous, l'évolution dans le temps est déjà inhérente au projet urbain. Notre approche est celle de l'Open Source. Fondée sur le partage et la mise en commun des ressources et des moyens, elle est au fondement des mouvements des « Villes en Transition » de Rob Hopkins, ou « The Better Block » aux États-Unis ou « Guerrilla Gardening » partout dans le monde. Il n'est pas ici question d'une ville auto-construite, mais d'une « co-conception » de la ville. Ses évolutions sont tangibles et accessibles à tous ; ses acteurs sont tout autant les architectes, urbanistes, paysagistes et autres politiques que ses habitants eux-mêmes.
La notion d'Open Source implique des moyens de mise en uvre simples, légers et facilement modifiables. Elle s'apparente en cela au « Popup Urbain » ou à « l'Urbanisme Tactique » plus souvent cité en anglais dans le texte : « Tactical Urbanism. » L'Urbanisme Tactique consiste à transformer l'espace public et ses usages de façon ponctuelle par des actions et des objets légers et réversibles. L'Open Source Urbain intègre ce concept en y ajoutant la planification concertée et les constructions plus pérennes qui constituent l'infrastructure d'une ville accueillante. L'espace commun urbain doit être capable d'accueillir des appropriations d'ampleurs variées qui peuvent modifier ponctuellement (dans le temps et l'espace) un lieu, voire un territoire.
Cette polyvalence des espaces de la ville, l'alternance de ses usages et sa « co-conception » engendrent des contraintes et imposent notamment la redéfinition de ses limites et la création d'outils de gestion et de gouvernance adaptés. Ce n'est pas un affranchissement des contraintes, celles-ci sont mouvantes, issues du dialogue, de la collaboration, du respect. Elles sont plus diverses, autant physiques que virtuelles : seuils, règles, barrières, convenance, distances ou politesse. Des rapports privilégiés se tissent entre les habitants et leur espace de vie. Des projets se réalisent temporairement ou de façon plus pérenne. L'espace public y est un espace partagé, l'espace privé peut s'ouvrir sur le public.
La notion de d'Open Source implique précisément un ajustement permanent à l'environnement urbain, social, économique et politique. Concevoir dans ce cadre revient à la reconnaissance de l'urbain tel qu'il se crée et se vit en acceptant son processus discursif d'évolution. Les espaces publics et bâtiments ne sont ni destinés ni soumis à un usage contraignant leur forme, et se résument aux besoins élémentaires de l'urbain dans leurs aspects les plus synthétiques.
Aujourd'hui, le modèle urbain appliqué à nombre de quartiers en transformation impose le repli de chaque espace individuel sur lui-même. Il stérilise l'espace public en privilégiant la fermeture, la surveillance et le contrôle. Il est le fruit d'une vision sécuritaire à court terme hostile à la création de liens forts entre les habitants d'une rue et celle-ci. L'enjeu de l'espace urbain tient au contraire dans ses capacités à favoriser les échanges, en exacerbant le plaisir de vivre ensemble ou celui d'habiter un lieu avec d'autres. Cette recherche conjointe de diversité et de densité urbaine trouve son sens dans une ville fruit et vecteur de travaux communs. Dans le cadre de nos projets urbains, nous proposons d'engager une dynamique d'échanges avec les habitants par l'intermédiaire de groupes de travail, d'actions artistiques et pédagogiques en multipliant les lieux d'échanges, de rencontres, d'interactions et d'activités publiques. Libérer les déplacements piétons et ouvrir les îlots ; réduire la place de l'automobile : ces actions influencent positivement et durablement les liens et interactions sociales dans la ville d'après de nombreuses études. Les infrastructures ainsi générées sont les catalyseurs permettant aux habitants de s'investir dans la construction virtuelle et physique de leurs lieux de vie et de travail.
Le projet de « Quartier Open Source » la porte des Poissonniers est un manifeste visant à engager cette dynamique sur le long terme à une échelle toujours plus large.
Notre projet s'articule autour de deux types de structures ouvertes : des murs mitoyens entre lesquels le bâti peut se développer et des rubans d'activités où s'inventent librement de nouveaux usages : jeux, fêtes, discussions, concerts, repas, jardins partagés, vide grenier, extensions des puces, etc. L'espace public que nous développons propose à ses habitants diverses qualités d'ouvertures, d'inclinaisons, de porosités, de matériaux, de contractions et dilatations qui offrent une variété d'appropriations possibles. Sur le site, les cafés et autres ateliers partagés (fablabs) sont des lieux d'échanges et de sociabilisation. Ils peuvent devenir des lieux de formations les jours et de concerts ou d'activités associatives le soir. Vaste espace libre dans la ville, également devenu cinéma en plein air ou extension de la mosquée durant les fêtes musulmanes, est ouvert sur une plus grande plage horaire et à d'autres activités ou événements. Le potentiel d'usage de chaque lieu est optimisé ; sa souplesse permet de répondre aux attentes de ses usagers en restant en permanence à leur écoute. Ainsi, des continuités d'usages peuvent exister dans un même lieu. L'espace public retrouve sa destination première, celle du lieu des interactions sociales et des aménités.
The co-design of the city and the versatility of its spaces and uses generate constraints. One of them is the redefinition of its boundaries and the creation of adequate management and governance tools. The question is not to free oneself from the constraints. They are changing and stem from dialogue, collaboration and respect. They are more diverse and are physical as much as virtual : thresholds, rules, barriers, proprieties, distances or manners. Special relationships are forged between inhabitants and their living space. Projects can be carried out, temporarily or more permanently. The private space can open out onto the public space, which is shared.
As it happens, the concept of Open Source implies permanent adjustment to the urban, social, economic and political environment. In this perspective, planning comes down to the acceptance of the city's discursive evolution process : it must be acknowledged as it is, constantly creating and living. Public spaces and buildings are neither meant for nor subject to a particular use, which would compel their form, but amount to the primary needs of the city in their most basic aspects.
Today, the urban pattern currently applied to mostly of urban projects makes each individual space isolated and withdrawn. It sterilizes the public space and favours closure, surveillance and control. It is a product of a short-term law-and-order' vision, adverse to the creation of strong ties between a street and its inhabitants. On the contrary, what is at stake in the urban space lies in its abilities to favour exchanges by heightening the pleasure people have in living together or in living somewhere with others. This joint search for urban diversity and density makes sense in a city which is both a result and a vector of collective works. In this project, we suggest to foster a process of exchanges with the inhabitants through working groups, artistic and educational initiatives by creating many places good for exchange, meeting, interactions and public activities. Making the life of pedestrians easier, opening out the blocks, reducing the use of cars : all these actions have a positive and lasting influence on social ties and intercourse in a city, according to a number of studies. The infrastructures that are generated in this process serve as catalysts that enable people to get involved and put a lot into the virtual and physical building of their living and working places.
The « Open Source Community » Porte des Poissonniers project is a manifesto aimed at launching this dynamic process in the long term and on an ever wider scale.
Our project is organized around two types of open structures: party walls between which buildings can be developed and strips of activities where new uses are freely invented: games, parties, talks, concerts, meals, community gardens, car-boot sales, extension of the flea market, etc. The public space that we develop offers inhabitants various qualities openness, slopes, porosity, materials, contractions and expansions that provide different possible ways for them to make it their own. On the site, cafés and fablabs (fabrication laboratories small-scale workshops offering digital fabrication) constitute places of exchange and socialization. They can become training grounds in the daytime and venues for concerts or community life in the evening. The stadium, a vast free urban space, also becomes an outdoor cinema or an extension of the mosque during Muslim holidays and can be open on a wider time slot and to other activities or events. The potential use of each place is optimized; its flexibility makes it possible to meet users' expectations by remaining permanently tuned. Different uses can co-exist within the same places (in time and space). The public space recovers its primary purpose: the place for social intercourse and amenities.
The concept of adaptable city' combines morphology and metabolism of the cities, and requires that the notion of time is integrated into their process of transformation.
We think that the evolution in time is already inherent in the urban project. Our approach is the Open Source. Based on shared resources and means, it is at the foundation of different movements, such as Rob Hopkins's Transition towns, Better blocks in the USA or Guerilla gardening all over the world. The point here is not a self-built city but a co-design of the city, whose evolutions are tangible and within everyone's reach. The inhabitants themselves play a part in it, as much as architects, town planners, landscape architects, and other political players. The urban space must be able to welcome all the ways and extents people can make it their own, sometimes altering (in time and space) a place or even a territory.
The concept of Open Source implies simple, light and easily modified means of implementation.